(7) Un miracle de grâce - Première partie
L’année de mes 15 ans, comme tant de jeunes de mon âge, j’étais scolarisée en deuxième année de BEP sanitaire et social, dans une maison familiale à Jallais, une petite bourgade des Mauges non loin de Cholet, dans le Maine-et-Loire. Je ne me souviens plus exactement de quel mois il s'agissait, mais je suis certaine que nous étions au début de l'année, en plein hiver, lorsque le froid mordant enveloppait la campagne. En maison familiale, nous restions du lundi au vendredi, moi et quelques autres filles de Beaupréau. Comme un doux ballet de tendresse, nos parents s'arrangeaient, chacun à leur tour, pour nous conduire à l'école et venir nous chercher le vendredi soir, alors impatientes de retrouver le foyer familial et de raconter notre semaine.
Un lundi, avant de partir, ma mère m'annonça, avec un sourire énigmatique, que le vendredi suivant, je ne rentrerais pas avec mes amies. Au lieu de cela, mes parents viendraient me chercher à l'école. Je me souviens très bien de sa réponse à ma question innocente sur la nature de ce fameux rendez-vous : elle m'expliqua que c'était quelque chose de très important et que je découvrirais tout le vendredi. Une douce excitation s'empara de moi, car je savais que ce rendez-vous avec mes parents me réservait une surprise, même si je ne savais pas encore de quoi il s'agissait. L'idée d’un moment partagé avec eux, chargé de mystère et d'amour, suffisait à attiser mon impatience pour le soir tant attendu.
À cette époque, nous n'avions pas de téléphone portable pour appeler nos parents et nous passions toute une semaine sans nouvelles d'eux. Seul le bureau du secrétariat pouvait transmettre des informations en cas de besoin. Mes parents n’avaient pas l'habitude de me cacher des choses de cette manière, et je savais que ma mère, avec sa santé fragile, ne s'éloignait jamais bien loin sans organiser un plan précis. Ainsi, une seule question tournait en boucle dans mon esprit : quel pouvait bien être ce rendez-vous si mystérieux et si important pour que mes parents viennent tous les deux me chercher à l'école, mais qu'ils ne veuillent pas m'en parler tout de suite ? Cette incertitude me taraudait, mais au fond de moi, une petite lueur d'amour et d'espoir éclairait mon cœur, me promettant que, quoi qu'il arrive, je ne serais jamais seule.
Le vendredi soir approcha, et c'est avec une impatience mêlée d'excitation que je fis ma valise, préparant ma fuite vers la cour de l'école. J'avais hâte de retrouver mes parents et de découvrir enfin où ils me menaient, et quel était ce rendez-vous si mystérieux. Après quelques minutes d'attente, je vis la Renault 16 de mes parents, très repérable par sa couleur verte, entrer dans la cour. Mon père au volant était d'une attention infinie à la route, tandis que ma mère scrutait la cour de son regard aimant, cherchant à me repérer parmi les élèves. Je me souviens encore de ces détails, empreints d'une douce nostalgie, car sans le savoir, ce moment marquait le départ d'un nouveau chapitre de ma vie. Je laissais derrière moi l'ancienne Marie-Pierre, traversée de doutes et de bêtises, pour en revenir avec une nouvelle version de moi-même, complètement transformée et métamorphosée.
Après avoir soigneusement placé mes affaires dans le coffre de la voiture, j'embrassai mes parents avec tendresse. La première question qui m'échappa fut : « Où allons-nous ? » Mon papa, avec un sourire complice, me répondit : « Nous allons faire un grand voyage ce week-end. » À ce moment-là, une vague d'excitation parcourut mon cœur. J'appris que nous allions rejoindre un car qui nous emmènerait très loin. « Mais où allons-nous vraiment ? » demandai-je, intriguée. « Ce rendez-vous si important que vous m'avez évoqué, est-ce pour moi ? Je vais rencontrer quelqu'un, n'est-ce pas, maman ? » Pourquoi tant de mystères ? Pourquoi ne pas me dire simplement où nous nous rendions ? Mes parents, cependant, restaient imperturbables. Même face à mes interminables questions, ils demeuraient fermes dans leur silence, continuant à rouler, tandis que je scrutais attentivement la direction que nous prenions, mon cœur battant à l'unisson des promesses de l'inconnu.
Après avoir roulé un moment, je compris que nous allions à Cholet pour rejoindre un car qui allait nous emmener à ce rendez-vous si important. En approchant d'un grand parking de supermarché, je remarquai déjà des gens, attendus comme de vieux amis, des valises à leur côté. Certains avaient même des jerrycans vides, ce qui attira immédiatement mon attention. Intriguée, je tournai la tête vers ma mère et lui demandai pourquoi ces personnes emportaient des jerrycans, tandis que nous n'en avions pas. Elle me répondit avec un sourire plein de mystère que c'était pour transporter une eau miraculeuse, une eau chargée de promesses et de grâces.
Ça y est, j'ai compris, maman ! Je sais où nous allons. Je crie si fort d'excitation ! Nous nous rendons à Lourdes, cet endroit magique où se trouve la grotte de Massabielle. Là-bas, les gens se baignent dans les piscines pour guérir, pour retrouver l'espoir. Et ce rendez-vous dont vous m'avez parlé, c'est tout simplement avec la Vierge Marie. Nous allons voir Marie, n'est-ce pas, maman ? C'est merveilleux ! Vous allez m'emmener à Lourdes pour me confier à elle, n'est-ce pas, papa et maman ? Je sens déjà tout l'amour et la lumière qui nous attendent là-bas.
Mes parents étaient véritablement heureux et soulagés de constater, pour l’instant, que j'étais comblée et loin d'être déçue. Bien que j'aie ressenti une immense grâce en moi et que ma crise d'adolescence semble désormais appartenir au passé, je ne pouvais pas vraiment me considérer comme une grande fervente, une âme dévouée à la prière. J’éprouvais encore des difficultés à prier, en particulier à réciter le chapelet, et pour moi, assister à la messe le dimanche n'était souvent qu'une corvée. J'y allais non par amour, mais par obligation. Pourtant, au fond de mon cœur, un doux frisson d'amour pour la vie et pour l'instant présent s'éveillait en moi, me révélant que la beauté se cache partout, même dans les petites choses du quotidien. C'était une sensation incroyable qui me traversait, comme si mon être était enveloppé d'une présence particulière, et que je me rendais à un rendez-vous sacré et bien réel avec notre Mère du Ciel. Ce moment d'attente sur le parking me donnait l'impression d'être bercée par un amour éternel, et une douce présence qui faisait vibrer mon âme et embellissait mon existence.