(9) Un miracle de Grâce : Troisième partie
Après de longues heures passées dans le car et une nuit quelque peu agitée, je fus réveillée, bien sûr, par la prière du matin. À cet instant, j'ai su que nous étions en Italie. Mon cœur s’est mis à battre un peu plus vite à l'idée d’entendre bientôt la langue italienne et de découvrir une culture si différente de la nôtre.
Nous roulions depuis environ une heure lorsque le car arriva à San Damiano. Mon Dieu, pourquoi ? Depuis une semaine, j’attendais avec impatience ce moment, ce lieu où Maman m'avait dit que nous avions rendez-vous, et là, juste devant moi, se dressait San Damiano. Mon regard s’attarda sur ce petit village plein de charme, une douce chaleur s’empara de moi, mêlée à une pointe d’émotion.
Après quelques consignes données dans le car, mes parents et les autres passagers — ou devrais-je dire, les autres pèlerins — se préparèrent à descendre pour prendre le petit déjeuner. Certains firent le choix de le prendre dans une ferme que l’on appelait “chez Guarati”, tandis que d’autres, comme mes parents, préféraient le préparer eux-mêmes, par souci d’économie. Je sentais déjà l’odeur du chocolat chaud que Maman avait préparé pour moi, accompagné de petits gâteaux. Je me souviens qu'il me tardait de partir pour le Petit jardin des roses, non pas pour réciter le rosaire, mais parce que je voulais enfin voir le Petit jardin de mes propres yeux, car j'en avais tant entendu parler, ainsi que des signes et des miracles qui s'y produisaient. Je me souviens très bien qu'il faisait très froid, mais mon cœur était rempli de joie. C'était comme un rêve d'enfant que je ne voulais surtout pas voir s'arrêter.
En arrivant devant le Petit jardin, je fus profondément surprise par l’abondance de roses qui s’y trouvait. C’était tout simplement incroyable ; je n’avais jamais vu autant de fleurs dans un espace aussi réduit. Ce n’était pas seulement un jardin, mais une véritable serre à ciel ouvert, emplie d’une multitude de roses de toutes les couleurs, mêlées à de nombreux lys dont le parfum enivrant flottait dans l’air.
Il était déjà 11 heures, l’heure du deuxième rosaire, car à San Damiano, il y en a trois dans la journée : le premier à 5 heures du matin, le second à 11 heures, et le troisième à 15 heures. Celui de 11 heures est vraiment trés long. Pour moi, qui n’étais pas du tout une grande dévote du chapelet, je vous assure que c’était une épreuve. Je me disais en moi-même qu'à la fin du troisième chapelet, tout était terminé, que le silence allait se faire et le calme aussi. Mais non, les prières reprenaient, et c'était reparti pour un tour, encore et encore. Après trois heures passées dans le Petit jardin, à réciter des Ave Maria en latin, accompagnés de nombreuses autres prières incompréhensibles pour moi, c’était comme si mon esprit allait exploser. En tant qu'adolescente, avec un état d'esprit bien plus touristique que religieux, ce premier rosaire au Petit jardin fut une véritable épreuve. Un défi à ma patience et à ma foi venait de commencer, et il n'allait pas me quitter de sitôt.
Je me disais en moi-même : si ce soir c’est la même chose, alors je sortirai pour me promener dans le bourg du village, pour visiter et faire passer le temps. Après la fin des prières, beaucoup de monde s’était dispersé, je suppose, pour aller manger. Je m’approchai de mes parents, qui étaient encore à prier, assis sur un banc face à la statue en marbre de Notre-Dame des Roses. C’était la première fois depuis notre arrivée que je voyais cette statue si près de moi. Je la trouvais vraiment très belle, tout en blanc, et ce qui m’avait frappée, c’était son regard. J’avais l’impression qu’elle me dévisageait avec douceur, comme si elle pouvait lire dans mon âme. Curieusement, l’état de présence dans lequel je me trouvais s’était apaisé, rien qu'en la regardant, je n’avais plus envie de partir, ni de faire sortir mes parents. Au contraire, je me surpris à lui parler, à lui confier combien je l’aimais, et à m’excuser de m’être fâchée pendant le rosaire. Et vous savez l'ironie dans tout cela ? C’est mon père qui vint me dire qu’il ne fallait pas trop traîner pour aller manger, car cet après-midi, nous devions reprendre le car pour nous rendre dans un autre lieu, que l’on appelle la Cité des Roses. Je me rapelle vraiment être partie du Petit jardin avec l'intention d'y revenir avec plaisir, et non plus par obligation.